Informations à connaître pour préparer au mieux votre dossier et votre procédure

Vous pouvez saisir le juge directement, ou solliciter pour cela un avocat ou un défenseur syndical. Mais l’intervention de l’avocat sera particulièrement utile car la procédure est devenue beaucoup plus complexe depuis le décret du 20 mai 2016, pris en application de la loi Macron du 6 août 2015. Désormais, il faut transmettre au juge une requête contenant un exposé sommaire des motifs et des demandes en plusieurs exemplaires, accompagnés des pièces démontrant le bien-fondé de vos demandes. Il faut également transmettre ces pièces à votre adversaire avant l’audience de conciliation et d’orientation. Et avec l’abrogation de l’article R 1452-7 du Code du travail, désormais, il n’est plus possible de faire des demandes nouvelles à tout moment au cours de la procédure. Cela signifie qu’il faut rédiger de manière particulièrement précise la requête saisissant le juge, car il sera très délicat de faire modifier par la suite, en cours de procédure, les demandes qui y sont mentionnées. Bien entendu, l’avocat va également pouvoir, grâce à sa compétence et son expérience, ajouter toutes les demandes d’indemnités et de rappels de salaires qu’il aura déterminées. Enfin, désormais, s’il y a appel après le jugement de première instance, vous devrez obligatoirement être représenté, notamment par un avocat (obligation légale). La procédure devant le Conseil de prud’hommes se caractérise par une première audience dite « d’orientation et de conciliation », qui survient peu de temps après le dépôt de la requête. L’objectif de cette première audience privée est de savoir si un terrain d’entente peut être trouvé entre les parties. Si un accord amiable ne peut pas être trouvé, l’affaire suit un cheminement « normal » et sera plaidée devant le Conseil de prud’hommes lors d’une audience de plaidoirie publique. Il faut noter que ce préalable de conciliation n’aura pas lieu dans certains cas : lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, ou lorsqu’il sollicite la requalification de contrats intérimaires ou de CDD en CDI, ou lorsque la société est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, notamment.
En matière de temps de travail, il n’est pas demandé au salarié de prouver véritablement l’existence des heures de travail qu’il revendique. L’article L 3171-4 du Code du travail demande au salarié de « fournir des éléments » justifiant l’existence de ces heures ; il appartient ensuite à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments. S’il ne le fait pas, il doit être condamné au paiement des rappels de salaires sollicités. Mais il est donc impératif que le salarié apporte, en premier, des éléments. Il pourra s’agir par exemple d’attestations (de collègues, de clients, de fournisseurs, de témoins, etc.) qui démontrent la réalité de ses horaires de travail. Ou bien d’un agenda sur lequel le salarié aura inscrit chaque jour ses horaires de travail. Ou bien de mails ou de relevés téléphoniques démontrant qu’il travaillait bien aux heures revendiquées. La Cour de cassation précise qu’un simple tableau récapitulant les heures revendiquées est suffisant, mais le Conseil de prud’hommes et la Cour d’appel ont tendance à réclamer des éléments de preuve supplémentaires. Cas particulier du transport routier de marchandises : Les conducteurs routiers se trouvent dans un cas de figure relativement différent. En effet, leur temps de travail (temps de conduite, temps de mise à disposition, temps de disponibilité) est très précisément décompté grâce à leur compteur chronotachygraphe (disques ou carte numérique). Or, le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 oblige l’employeur à transmettre chaque mois au salarié un document qui mentionne l’intégralité du temps de travail accompli, des heures supplémentaires exécutées, du travail accompli de nuit, etc. Il s’agit de la synthèse d’activité. Ce document doit être annexé au bulletin de paie transmis chaque mois. Mais s’il ne l’est pas, l’employeur doit transmettre toutes les synthèses d’activité, « sans frais et en bon ordre », sur simple demande du salarié. Il est donc impératif que le salarié possède ces documents pour contrôler le correct paiement de son salaire. S’il ne les a pas, il est impératif de les demander auprès de l’employeur par courrier recommandé.
Le harcèlement peut prendre des formes extrêmement nombreuses : méthodes de management nocives, insultes ou propos déplacés, « mise au placard », sanctions disciplinaires injustifiées, etc. En matière de harcèlement moral ou sexuel, comme en matière de discrimination d’ailleurs, le Code du travail sollicite du salarié victime qu’il « présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement ». Il appartient ensuite à l’employeur « de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ». Cela signifie que là encore, il n’est pas demandé au salarié de prouver véritablement qu’il a été victime de faits de harcèlement. Mais là encore, pour que l’existence du harcèlement puisse être « présumée », il est nécessaire que le salarié verse aux débats des éléments suffisants. N’importe quel document peut être utilisé pour invoquer l’existence d’un harcèlement. Il pourra s’agir d’attestations, émanant de tout témoin des faits (clients, collègues…). Il pourra également s’agir de courriers, de mails, de notes de service, etc.
Lorsque le salarié souhaite quitter son emploi de manière libre et sans que l’employeur ne soit en tort, il peut démissionner. Mais lorsque la décision du salarié s’explique par les manquements commis par l’employeur, il doit rédiger un courrier de départ différent : il s’agira d’un courrier de prise d’acte de la rupture du contrat de travail. La seule différence dans la rédaction de ce courrier consistera à indiquer les fautes qui sont reprochées à l’employeur, et à indiquer que c’est en raison de celles-ci que le salarié a pris la décision de quitter son emploi. Cela ne change strictement rien à la situation du salarié dans un premier temps. Comme s’il était démissionnaire, il ne percevra pas d’indemnité de départ, et ne pourra pas percevoir l’allocation de retour à l’emploi (Assédic). En principe la rupture est immédiate et il n’y a pas de préavis ; mais dans son courrier de prise d’acte le salarié pourra indiquer à l’employeur qu’il va exécuter son préavis. Dans un second temps par contre, la situation du salarié sera radicalement différente. Il pourra en effet saisir le Conseil de prud’hommes pour que le juge apprécie la rupture du contrat. Si le juge estime que les manquements reprochés à l’employeur étaient suffisamment graves pour justifier la décision du salarié, la rupture aura les mêmes effets qu’un licenciement abusif : elle entraînera la condamnation de l’employeur à payer toutes les indemnités correspondantes (indemnité de licenciement, indemnité de préavis, indemnité au titre du licenciement abusif). Et par ailleurs, une nouvelle attestation Pôle emploi sera établie, et le salarié bénéficiera d’un rappel de droits Assédic. Si le juge estime que les manquements reprochés à l’employeur n’étaient pas suffisamment graves, la rupture s’analysera en une démission ; ce qui ne changera donc rien à la situation du salarié. il est bien entendu très fortement conseiller de solliciter l’avocat le plus tôt possible. L’avocat doit en effet conseiller le salarié sur la meilleure stratégie à mettre en place, doit analyser et apprécier les manquements reprochés à l’employeur, et doit rédiger lui-même le courrier de prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Par ailleurs l’avocat pourra étudier avec le salarié les autres modes de rupture du contrat qui sont à sa disposition, dont notamment la résiliation judiciaire.
Le Code du travail fixe des délais de prescription relativement courts. Pour la plupart des hypothèses, le salarié dispose d’un délai : ‐ de 2 ans pour contester la rupture de son contrat de travail ; ‐ d’un an s’il s’agit d’un licenciement pour motif économique, d’un contrat de sécurisation professionnelle ou d’une rupture conventionnelle ; ‐ de 3 ans pour solliciter des rappels de salaires ; ‐ de 5 ans lorsque l’affaire concerne des faits de harcèlement moral ou de discrimination. Il est donc impératif d’agir rapidement. En effet, seule la saisine du juge va interrompre la prescription. Un courrier (même recommandé) envoyé à l’employeur pour réclamer, par exemple, le paiement d’heures supplémentaires, ne pourra pas interrompre la prescription. Par ailleurs lorsque le salarié signe un reçu pour solde de tout compte, il a l’obligation de le dénoncer ou de saisir le juge dans les 6 mois qui suivent sa signature. S’il ne le fait pas, il perd le droit de contester devant le Conseil de prud’hommes les sommes qui sont mentionnées sur ce reçu. C’est la raison pour laquelle il est très fortement conseillé de ne jamais signer le reçu pour solde de tout compte. Contrairement aux idées reçues la signature du salarié n’est jamais obligatoire, et l’employeur n’a pas le droit de retenir les documents de fin de contrat et le chèque de règlement en échange de cette signature. Si le salarié est contraint de signer, il doit impérativement rédiger la mention « sous toutes réserves » ou « sous réserves de mes droits » sous sa signature : ainsi il pourra librement contester par la suite, s’il le souhaite, les sommes qui lui ont été versées.