En matière de prise d’acte, peu importe l’ancienneté des faits désormais

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt le 19 décembre 2018 (n° 16-20522), qui s’avère particulièrement intéressant, et qui pose ou rappelle des règles fondamentales sur des sujets variés. Ainsi la Cour précise qu’une action en requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet n’est pas soumise à la prescription de 2 ans, mais aux règles de prescription applicables en matière de rappels de salaires. Et elle rappelle que le juge doit obligatoirement calculer la somme due au salarié, lorsque celui-ci forme une demande mais que le juge conteste la manière dont il l’a calculée.

Voilà pour « l’accessoire ».

Mais là où cette décision est particulièrement intéressante, c’est qu’elle constitue un revirement de jurisprudence en matière de prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Habituellement, dans ce type de rupture, le juge déboutait le salarié de sa demande lorsque les faits reprochés à l’employeur étaient anciens. C’est ce que la Cour d’appel de Lyon avait fait, dans une affaire dans laquelle une salariée avait été recrutée en 2006, et avait pris acte de la rupture de son contrat de travail en 2013. Et dans son courrier, elle reprochait des manquements qui duraient depuis son embauche, sans s’en être jamais plaint auparavant.

La Cour d’appel, suivant la jurisprudence jusque-là classique, avait considéré que les faits étaient anciens et que la prise d’acte s’analysait en une démission.

La Cour de cassation censure cette décision : « En se référant uniquement à l’ancienneté des manquements imputés par la salariée à l’employeur, alors qu’il lui appartenait d’apprécier la réalité et la gravité de ces manquements et de dire s’ils étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail », la Cour d’appel n’a pas correctement statué.

L’apport de cet arrêt semble considérable : par sa rédaction, il signifie que le juge ne peut pas se contenter d’écarter les faits anciens : il doit appliquer la méthode d’appréciation classique en deux temps, à savoir : d’abord vérifier la réalité des faits et apprécier leur gravité ; puis statuer pour dire si oui ou non le contrat de travail pouvait continuer à s’exécuter compte tenu de ces manquements. Et ce, quelle que soit la date des faits.

Donc, même si des faits sont anciens (et ils l’étaient dans cette affaire), ils peuvent justifier une prise d’acte au tort de l’employeur dès lors qu’ils sont suffisamment graves. Ce qui revient à écarter purement et simplement la jurisprudence antérieure sur ce point.